« Choisis un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie »
Je suis venue à la Journée des Métiers Capitales sans trop savoir si le domaine artistique allait susciter un quelconque intérêt de la part de ces jeunes pour la plupart issus de foyers. A ma grande surprise, une petite dizaine d’entre eux se sont manifestés, chacun avait son parcours, ses questions, ou plutôt ses questionnements, sa personnalité, ses doutes et parfois ses certitudes parasitées par le « mais on m’a dit qu’il fallait que je trouve un vrai métier » malheureusement encore d’actualité 30 ans après qu’on me l’a servi maintes et maintes fois !
Parmi ces rencontres, il en est une qui m’a particulièrement marquée.
Quelques minutes après m’être installée sur mon bureau éphémère, un premier jeune garçon de 16 ans s’assoie devant moi. C’est le tout premier. J’ai une petite sensation de trac. Il a l’air un peu timide mais déterminé, rempli de doutes et à la fois tellement passionné ! Il me dit qu’il vit en foyer suite à des difficultés familiales. Il m’explique ensuite qu’il est en 2ème année de conservatoire de piano et qu’il aimerait en faire son métier ! Au départ je ne peux m’empêcher de penser : 2 ans de piano ? Seulement ? C’est peut-être un peu tôt pour s’emballer … En plus il me précise qu’il vise une carrière de pianiste classique, de concertiste. Il me demande la marche à suivre…
Je suis un peu perturbée car il ne parle pas de sa passion comme quelqu’un qui aurait seulement 2 ans de piano dans les doigts. D’un coup, il lâche de manière presque anodine et avec beaucoup d’humilité qu’il a remporté la finale de La France a un incroyable talent ! Alors là, tout s’éclaire ! Mais oui ! Ce jeune homme autodidacte qui a appris à jouer du piano sur les pianos installés dans les gares ! Jusqu’à 10 heures de pratique tous les jours ! Tout me revient alors … Son talent avait subjugué le jury et la France entière et il vient me demander s’il serait judicieux d’envisager d’en faire son métier !
Au moment où je réalise tout ça, je lui dis qu’en fait pour moi, il est déjà pianiste. À quel degré pourra-t-il en vivre ? Sera-t-il concertiste ? Quelles étaient les exigences du milieu de la musique classique ? Tout ça, je n’en savais rien ! Je savais juste que j’avais en face de moi une boule de passion qui a de l’or au bout des doigts et un parcours hors du commun ! Un garçon humble et touchant promis à un bel avenir dans la musique. Alors c’est vrai que quand son éducateur, qui s’en occupe depuis une semaine, s’assoit à ses côtés pour que je l’aide à convaincre Rayane qu’il serait préférable qu’il ait un plan B, je l’avoue, je n’ai pas pu résister ! Je lui ai dit qu’il n’existait pas de plan B pour les personnes qui aiment une chose par-dessus tout et qui ont ce talent et cette force de travail. Il ne faut absolument pas qu’il s’éparpille dans des besognes qui ne feront que l’éloigner de son but. Il y perdrait le temps et l’énergie indispensables pour tenter d’accomplir son rêve et s’épanouir dans son art. Le talent et la passion sont des dons, des trésors qu’il faut chérir. Tout le monde devrait avoir la chance d’essayer d’aller au bout de ses rêves ! Vivre de sa passion serait donc la plus belle récompense, selon moi, en réponse à tout cet investissement. Comme le disait Confucius : « Choisis un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie »
Personnellement, c’est ce que j’ai fait, et je ne l’ai jamais regretté.
J’ai rencontré ce jour-là également un chanteur-rappeur qui aimerait vivre de son art et aussi, un multi-instrumentiste qui rêvait de devenir DJ, une jeune fille qui voulait devenir chanteuse, une comédienne en herbe d’origine turque contrainte à étudier le droit pour ne pas contrarier ses parents mais qui aimerait courir les castings et pourquoi pas intégrer une prochaine série turque comme on en voit beaucoup sur Netflix, une demoiselle qui cherchait un poste dans le e-marketing dans un label de production musicale après plusieurs stages chez Sony et Universal qui lui avaient beaucoup plu, Angéline qui cherchait un stage dans l’événementiel, Célia une étudiante en art qui elle espérait trouver un stage dans le graphisme ou le design numérique…
J’ai essayé de les écouter et de les orienter du mieux que j’ai pu. J’espère garder le lien avec certains d’entre eux… Je reviendrai à la prochaine édition de la « Journée des Métiers » avec un immense plaisir !
Carine Erseng –
Chanteuse et directrice de production